Le numérique au féminin – Article du POUR
Le numérique au féminin
Cet article est paru 24 août 2017 sur le site du POUR
L’association Interface3.Namur organise des formations dans les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Elle vient d’éditer un carnet qui, distribué dans les écoles, vise à déstigmatiser les femmes dans les métiers de l’informatique.
Une première en Wallonie
Moins de 30% de femmes travaillent dans les professions numériques. Or le secteur est porteur de métiers très diversifiés. Ce ne sont pas les rares candidates à l’université qui vont changer la donne.
Fin 2004, quelques personnes sympathisent autour de l’idée de lancer à Namur une formation qualifiante en informatique pour un public exclusivement féminin. De nombreuses démarches sont faites, des partenariats sont lancés, un programme est défini et quelques mois plus tard, 16 candidates sont retenues. Elles sont utilisatrices de l’outil informatique mais souhaitent en faire un métier. Commence alors la première formation de onze mois en « Administratrice réseaux Windows-Linux » pour demandeuses d’emploi. Une première en Wallonie.[1]
Des projets sans cesse en évolution
L’informatique évolue sans cesse. Il faut continument s’adapter aux dernières machines, aux logiciels les plus pointus et aux exigences des Pouvoirs publics, et bien sûr celles de l’Europe ! D’une année à l’autre, les programmes se diversifient. La petite équipe d’Interface3.Namur avance avec la ferme conviction qu’il faut pousser les femmes vers les techniques prometteuses de carrière. Mais chemin faisant, les problèmes de financement font craindre de devoir bientôt mettre la clé sous le paillasson. Stop ou encore ? Ce sera encore, car entre tempêtes et éclaircies, le bateau tient, car il y a des amis à terre, des partenaires fiables et le ciel est si lumineux quand les stagiaires annoncent soit un contrat de travail soit une formation plus poussée faisant d’elles de vraies pros en informatique !
Les garçons arrivent à leur tour
Discrimination un peu, mais pas trop ! « On s’est rendu compte, dit Cécilia, coordinatrice pédagogique, qu’il était intéressant de promouvoir plus de mixité, parce qu’il ne s’agit pas d’opérer une tendance inverse, du tout masculin au tout féminin ! L’échange et les capacités de savoir n’ont finalement pas de genre ! L’informatique est non genrée[2]. Et ce sont les rôles sociaux que nous avons mis dessus – et dont les hommes se sont appropriés au fil du temps – qui font problème! »
Les groupes deviennent mixtes en 2007, mais on garde vigilance pour préserver, dans chaque session, un nombre suffisant de filles. « Qu’est-ce qui les empêche d’envisager d’être informaticienne ? », se demande Christine Forment, la directrice ? L’informatique serait chasse gardée masculine ? Ou manquent-elles d’information objective voire d’ambition par rapport à ce secteur professionnel ? ». On se gratte la tête à Interface3.namur. On enquête sur les freins et opportunités auxquels sont sensibles les femmes. Mais il faut aller de l’avant, les programmes de formation évoluent en permanence, intégrant les télécommunications. Ça roule… !
Révolution copernicienne
Mais en 2015, les Pouvoirs Publics, dont le Fonds social européen, abandonnent leur soutien aux programmes de formation professionnelle pourtant opérés avec succès et efficacité par Interface3.Namur. L’Europe décide de réorienter ses objectifs vers la lutte contre la fracture numérique et de prôner plus d’égalité entre les garçons et les filles. Chez Interface3.Namur, le FSE ne financera plus qu’un projet d’information, de sensibilisation et d’orientation. Néanmoins, l’asbl poursuit ses projets concentrés sur l’informatique en diversifiant ses actions auprès d’un plus large public. (demandeurs d’emploi, enfants, ados, seniors…) L’équipe travaille dur pour évoluer dans ces différentes missions et consolider ses priorités et ses valeurs, bref ce pour quoi elle existe ! L’essentiel est le service à rendre à ces femmes et ces hommes qui veulent progresser dans leur vie par le train à grande vitesse de l’informatique. L’année 2016, se termine par un beau bilan avec la création d’un catalogue qui mènera à 59 animations dans les écoles (projet Genre-et-TIC ), à des ateliers de création sur le web avec 16 participantes (Egali’Web), un salon où sont venus 700 visiteurs intéressés par des stands, des animations et des conférences (Evolu’TIC).
Un joyau d’infos dans un carnet gratis
Plus de mixité dans les métiers de l’informatique reste le projet fondateur d’Interface3.Namur et l’aventure en arrive aujourd’hui à sa 13ème année d’exercice.
Dans le cadre d’un appel à projet cofinancé par la Ministre du droit des femmes et le ministre du numérique, un carnet pratique pour déstigmatiser les filles dans les métiers de l’informatique est élaboré. Cet outil complète les actions d’animation. Il dénonce avec humour les stéréotypes sur les métiers d’hommes et de femmes, met en avant quelques héroïnes qui ont marqué l’histoire de l’informatique et reprend des témoignages d’informaticiennes en entreprise. Émaillé de jeux, de brèves définitions et de conseils pertinents le carnet fait une soixantaine de pages. Il est attirant avec ses dessins humoristiques et ses textes dans un style direct et simple. Il s’agit de faire comprendre en quoi, pourquoi et comment l’informatique conduit à tant de métiers différents. Du site web au jeu vidéo, de l’application mobile à la banque de données, du travail technique sur l’ordinateur à la vente, ces métiers ont été répartis en sept catégories regroupant les métiers informatiques et les métiers numériques.
Vers la digitalisation de l’accès au savoir
Cécilia, la coordinatrice, est satisfaite du travail qu’ils ont accompli ensemble. Française, non informaticienne au départ mais diplômée en publicité et marketing en Allemagne, elle utilise ce qu’elle y a appris pour en appliquer les techniques au profit des candidat.e.s en recherche d’emploi. Elle s’est formée ensuite et simultanément aux outils de développement personnel, à la communication et a découvert l’empowerment qu’elle définit comme « la place que l’on veut prendre dans la société dans laquelle on vit ». Donner aux femmes la possibilité de se rendre compte qu’elles peuvent faire de l’informatique et ouvrir le champ des possibles pour évoluer de simple utilisatrice vers constructrice du monde numérique, remodèle le paysage en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
« Il faut changer la manière de penser l’enseignement, conclut Cécilia. Le numérique ne doit pas être juste un outil mais un changement de méthode d’apprentissage. On doit être dans « penser digital pour… » et non plus seulement viser « le digital qui permet de . »
Godelieve Ugeux
[1] Bruxelles existe Interface3, partenaire privilégié du projet
[2] Alors que le sexe fait référence aux différences biologiques entre femmes et hommes, le genre réfère aux différences sociales, psychologiques, mentales, économiques, démographiques, politiques, etc. Le genre est l’objet d’un champ d’études en sciences sociales, les études de genre. (Wikipedia)